60                              HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
les attaques du dehors. Le duc de Bourgogne était parvenu à faire respecter ses États par les deux adversaires.
Quand l'attentat de Montereau eut jeté pour de longues années le fils de Jean sans Peur dans l'alliance anglaise, les tisserands de l'Artois trouvèrent grand profit à ce rapprochement. Une partie des laines qu'ils employaient venaient d'Angleterre, et les grands seigneurs de la cour de Henri V et de Henri VI prisaient fort ces admirables tapis de murailles qu'on ne savait pas fabriquer dans leur pays. C'est ainsi que les ateliers d'Arras restèrent le principal centre de production, et s'enrichirent par la ruine des métiers parisiens.
Avant de passer en revue les échantillons qui nous restent de l'art de la tapisserie au xvc siècle, nous exposerons sommairement l'histoire des nombreux ateliers établis, soit dans la Flandre, soit dans les différents États de l'Europe, par les émigrants que la misère et la guerre chassaient de leur pays. Reconnaître les pro­duits de telle ou telle fabrique n'est pas chose aisée; nos connais­sances nous laissent encore fort hésitants dans la plupart des cas. Aù moins a-t-on résolument commencé depuis quelques années à repousser toutes les conjectures, à rassembler les preuves sérieuses et les faits certains propres à donner des résultats dé­finitifs.
Pour commencer par l'atelier dont la réputation l'emporte sur tous ses rivaux au xv0 siècle, par celui auquel sont attribuées, avec toute vraisemblance, les plus riches tentures, nous présente­rons d'abord le tableau de l'industrie artésienne sous les ducs de Bourgogne. Nous étudierons ensuite les différents centres de pro­duction qui ont pris naissance dès le xiv° siècle, pour recevoir une extension considérable pendant la première moitié du xv-.
Gràce aux recherches d'Alexandre Pinchart, on connait les noms de la plupart des anciens tapissiers d'Arras dont les documents ont gardé le souvenir. Cette liste aride ne présenterait qu'un mé­diocre intérêt. S'il a pu sembler nécessaire de faire connaître par le menu les noms des artisans de Paris ou de l'Artois durant la période primitive, parce que c'était la seule manière d'éclairer de quelques lueurs les débuts obscurs de la tapisserie, il n'en va pas de même quand la production devient aussi active qu'elle était à Arras au xve siècle. Qu'importe alors le nom d'un ouvrier, ou même